Soudan : face à une catastrophe colossale d'origine humaine, MSF appelle à une augmentation immédiate de la réponse humanitaire

Soudan : face à une catastrophe colossale d'origine humaine, MSF appelle à une augmentation immédiate de la réponse humanitaire

Port-Soudan/Darfour, le 12 avril 2024 - Un an après le début de la guerre entre les Forces armées soudanaises (SAF) dirigées par le gouvernement et les Forces de soutien rapide (RSF) paramilitaires, le Soudan fait face à une catastrophe colossale d'origine humaine, dans l'une des pires crises mondiales des dernières décennies. Permettre rapidement un accès humanitaire sûr pour des millions de personnes, relève d'une question de vie ou de mort. Alors que les gouvernements, les organisations d'aide et les donateurs se réunissent le 15 avril à Paris pour discuter des moyens pour améliorer l'acheminement d'aide humanitaire, Médecins Sans Frontières (MSF) lance un appel urgent à une augmentation immédiate de la réponse humanitaire.

Après un an de guerre, l'aide fournie à des millions de personnes n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan en raison des blocages politiques créés par les parties en conflit et du manque d'action des Nations unies et des organisations humanitaires internationales.

« Les habitants du Soudan souffrent énormément alors que les combats intenses persistent, comprenant des bombardements, des tirs d'obus et des opérations au sol dans les zones urbaines résidentielles et dans les villages, et que le système de santé et les services de base se sont largement effondrés ou ont été endommagés par les parties en conflit. Seuls 20 à 30 % des établissements de santé demeurent fonctionnels au Soudan, ce qui signifie qu'il y a une disponibilité extrêmement limitée de soins de santé pour la population dans tout le pays », déclare Jean Stowell, chef de mission de MSF au Soudan.

Dans les zones proches des hostilités, les équipes de MSF ont traité des femmes, des hommes et des enfants directement blessés dans les combats, notamment des blessures par éclats et par explosion, des blessures par balle et des blessures causées par des balles perdues. Depuis avril 2023, les établissements soutenus par MSF ont reçu plus de 22 800 cas de blessures traumatiques et réalisé plus de 4 600 interventions chirurgicales, dont beaucoup sont liées à la violence survenue à Khartoum et au Darfour. À Wad Madani, une ville entourée de trois lignes de front actives, nous voyons actuellement 200 patients par mois présentant des blessures liées à la violence.

Selon l'ONU, plus de huit millions de personnes ont déjà été contraintes de fuir leur foyer et ont été déplacées à plusieurs reprises, et on estime à 25 millions - la moitié de la population du pays - le avoir besoin d'une assistance humanitaire.

« Chaque jour, nous voyons des patients mourir des suites de blessures liées à la violence, des enfants périr de malnutrition et du manque de vaccins, des femmes souffrant de complications après des accouchements dangereux, des patients victimes de violences sexuelles, et des personnes atteintes de maladies chroniques incapables d'accéder à leurs médicaments », poursuit Stowell. « Malgré tout cela, il existe un vide humanitaire extrêmement préoccupant ».
« La situation au Soudan était déjà très fragile avant la guerre et elle est maintenant devenue catastrophique. Dans de nombreuses zones où MSF a commencé des activités d'urgence, nous n'avons pas vu le retour des organisations humanitaires internationales qui avaient initialement évacué en avril », déclare Ozan Agbas, responsable des opérations d'urgence de MSF pour le Soudan.

Principale difficulté : la pénurie de fournitures médicales due aux blocages et à la violence

Bien que MSF travaille en bonne coopération avec le Ministère de la Santé (MoH), le gouvernement du Soudan (GoS) a obstinément et délibérément entravé l'accès à l'aide humanitaire (visas, matériel pour franchir les lignes de front, etc...)

« Aujourd'hui, notre plus grand défi est la pénurie de fournitures médicales. Nous sommes à court d'équipement chirurgical, et nous sommes sur le point de cesser tout travail à moins que des fournitures n'arrivent », déclare Ibrahim, un médecin de MSF travaillant à Khartoum, une ville sous blocus depuis six mois. Une situation similaire affecte la ville de Wad Madani depuis janvier.

Dans les zones contrôlées par les RSF, où de nombreuses milices et groupes armés différents opèrent également, les établissements de santé et les entrepôts ont été fréquemment pillés au cours des premiers mois du conflit. Des incidents tels que des carjackings se produisent régulièrement et les travailleurs médicaux, en particulier ceux du Ministère de la Santé, ont été harcelés et arrêtés.

Dans les zones difficiles d'accès comme le Darfour, Khartoum ou Al Jazirah, MSF se trouve souvent être l'unique ou l'une des rares organisations humanitaires internationales présentes, alors que les besoins dépassent largement notre capacité à répondre. Même dans des zones plus accessibles comme les États du Nil Blanc, du Nil Bleu, de Kassala et de Gedaref, la réponse globale est négligeable : une goutte dans l'océan.

Un besoin immédiat de plus de sécurité et de courage

« La situation au Soudan était déjà très fragile avant la guerre et elle est maintenant devenue catastrophique. Dans de nombreuses zones où MSF a commencé des activités d'urgence, nous n'avons pas vu le retour des organisations humanitaires internationales qui avaient initialement évacué en avril », déclare Ozan Agbas, responsable des opérations d'urgence de MSF pour le Soudan.

MSF appelle les parties en conflit à respecter le droit international humanitaire et les résolutions humanitaires de la déclaration de Djeddah en mettant en place des mécanismes pour protéger les civils et garantir un accès humanitaire sûr à toutes les régions du Soudan sans exception - y compris en mettant fin aux blocages.

MSF demande également aux Nations unies de faire preuve de plus de courage face à cette énorme crise et de se concentrer sur des résultats clairs liés à l'augmentation de l'accès afin de contribuer activement à permettre une augmentation rapide et massive de l'assistance humanitaire. MSF exhorte également les donateurs à augmenter leur financement pour la réponse humanitaire au Soudan.


​*Nom modifié pour protéger l'identité

ANNEXE : activités de MSF en quelques chiffres

MSF travaille actuellement dans et soutient plus de 30 établissements de santé dans 10 États au Soudan : Khartoum, Al Jazirah, Nil Blanc et Nil Bleu, Al Gedaref, Darfour occidental, Darfour du Nord, Darfour du Sud et Darfour central, et la mer Rouge. Nos équipes sont également intervenues récemment à Kassala. Nous menons des activités dans les zones contrôlées à la fois par les SAF et les RSF. Nous fournissons des soins traumatologiques, des soins maternels et traitons la malnutrition ainsi que d'autres services de santé.

Les besoins à travers le pays sont massifs et largement non satisfaits. Voici quelques indicateurs médicaux qui illustrent ce que voit MSF dans certaines des zones où nous pouvons accéder et intervenir. Mais nous savons que ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

  • Depuis avril 2023, plus d'un demi-million de personnes ont consulté nos hôpitaux, établissements de santé et cliniques mobiles.
  • Dans les endroits les plus violents, des atrocités ont été commises, les civils ont été ciblés et tués sur bases ethniques.
    • Un exemple est qu'en juin, plus de 1 500 Soudanais blessés par la guerre ont été reçus dans l'hôpital soutenu par MSF à Adré (Tchad) en une semaine.
    • Une enquête rétrospective sur la mortalité menée auprès des réfugiés a confirmé des rapports de tueries de masse dans le Darfour occidental.
    • Nous avons traité des survivants de violences sexuelles. Entre juillet et décembre 2023, 135 des patients qui se sont présentés à une structure médicale de MSF dans l'est du Tchad ont révélé qu'ils étaient des survivants de viol. Tous sont des femmes ou des filles, âgées de 14 à 40 ans, et la plupart ont été attaquées avant leur arrivée au Tchad. Les agresseurs étaient armés dans 90 % des cas, et 40 % des survivantes ont été violées par plusieurs agresseurs.
  • Les conséquences sanitaires indirectes de la guerre ont été tout aussi dévastatrices. Entre 70 et 80 % des hôpitaux dans les zones affectées par le conflit ne fonctionnent plus.
    • De nombreuses personnes doivent parcourir de longues distances, souvent dans un contexte d'extrême insécurité, pour chercher des soins médicaux. Les patients arrivent souvent tardivement aux établissements de santé.
  • Les mauvaises conditions de vie, le manque d'accès à l'eau potable, le manque de vaccinations et le manque d'accès aux soins de santé se combinent pour créer des conditions propices aux épidémies, comme cela s'est produit au cours de l'année écoulée, et aggravent considérablement la prévalence des maladies.
    • Les équipes de MSF ont constaté plus de 100 000 cas de paludisme, traité plus de 2 000 personnes pour le choléra et vu des milliers de cas de rougeole.
  • Les femmes enceintes sont particulièrement touchées par le manque d'accès aux soins de santé.
    • Au cours de l'année écoulée, MSF a assisté à plus de 8 400 accouchements et réalisé 1 600 césariennes.
  • Un autre problème croissant est la malnutrition. MSF a soutenu le traitement de plus de 30 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë en un an.
  • MSF intervient également au Tchad et au Soudan du Sud, où plus d'un million de personnes se sont réfugiées depuis le début de la guerre au Soudan.
    • Les besoins des réfugiés et des rapatriés y sont également immenses et insuffisamment pris en compte. Au Tchad, par exemple, il y a actuellement une épidémie de fièvre de l'hépatite E.
Quentin Barrea Press Officer, Médecins Sans Frontières

 

 

A propos de MSF/AZG

Médecins Sans Frontières est une organisation médicale humanitaire d’urgence, active dans plus de 70 pays du monde.