SIDA : le prix du désinvestissement s’exprime en coûts humains

SIDA : le prix du désinvestissement s’exprime en coûts humains

À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le SIDA ce 1er décembre, Médecins Sans Frontières attire l’attention sur cette épidémie qui est loin d’être vaincue. En effet, la stagnation des ressources allouées au VIH ces dernières années (1), couplée à la crise Covid et aux multiples chocs subis par les Etats fragiles ont conduit à un ralentissement des progrès dans la riposte au VIH et à la résurgence de nouvelles infections dans certains endroits du monde.

Il y a une dizaine de jours, le ministre Frank Vandenbroucke annonçait débloquer €1 million à la suite du constat de l’augmentation du nombre de diagnostics VIH de 4% en 2021 en Belgique. Il soulignait à cette occasion que la Belgique devrait intensifier ses efforts pour espérer atteindre les objectifs 2030 de l’ONUSIDA. Mais si nous voulons réellement atteindre ces objectifs, il faudra bien regarder et agir au-delà de notre pays. Une épidémie comme le SIDA ne connait pas de frontières. Quelques chiffres :

  • Il y a dans le monde environ 9,5 millions de personnes séropositives sans traitement antirétroviral (TAR) sur un total estimé de 38,4 millions de personnes vivant avec le VIH (PVVIH)2
  • En Europe de l'Est et en Asie centrale, les nouvelles infections au VIH ont augmenté de 43 % depuis 2010, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord de 7 % 
  • Le nombre de personnes dans le monde se faisant dépister pour une infection a chuté de 22%, le nombre de services de prévention de 11% 

La note la plus salée pour les populations les plus vulnérables, en particulier pour les enfants

Les pays les plus fragilisés confrontés à un financement insuffisant sont contraints à faire des choix impossibles entre des interventions stratégiques d’égale importance pour la riposte au VIH, à renoncer à la mise en place d’approches innovantes ou à différer la mise à échelle au niveau national de certaines interventions.

Parmi les populations souffrant le plus de retards dans le dépistage et la prise en charge du VIH, les enfants vivant avec le VIH se trouvent au premier plan. En 2021, on estime que 800 000 [640 000-990 000] enfants vivant avec le VIH ne reçoivent toujours pas de traitement contre le VIH. En 2021, les enfants représentaient 4 % des personnes vivant avec le VIH, mais 15 % des décès liés au sida, et l’écart de couverture du traitement du VIH entre les enfants et les adultes s’accroît au lieu de se réduire.3

Quand le financement tarde, le VIH avance

La tuberculose et la méningite cryptococcique sont les principales causes de morbidité et de mortalité dans l'infection au VIH avancée. Le screening systématique des personnes nouvellement dépistées au VIH pour détecter les infections opportunistes comme la tuberculose et la méningite cryptococcique souffre d’énormes lacunes dans les pays à ressources limitées. Les tests rapides de diagnostics (Point of Care) et les médicaments (pour toutes les infections opportunistes à l’exception des médicaments pour la tuberculose) ne sont pas disponibles à l’heure actuelle (car pas financés par les bailleurs).

Il reste essentiel de veiller à ce que les personnes à risque de VIH soient mises en relation avec des services intégrés centrés sur la personne et spécifiques au contexte, y compris pour le diagnostic, les traitements et la mise en œuvre du dépistage préventif.

Le SIDA fait partie, avec la Tuberculose et le Paludisme, des trois maladies les plus meurtrières dans le monde. Or, les techniques de prévention et les traitements existent. Ce qui manque surtout, ce sont les moyens financiers à l’échelle mondiale.

Le rendez-vous manqué de la Belgique au Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme

Fin septembre a eu lieu à Washington la 7ème reconstitution du Fonds Mondial contre le VIH, la Tuberculose et le Paludisme (pour la période de 2024-26). Pour relever le défi d'endiguer au moins les maladies, il fallait que les pays fassent un effort supplémentaire de 30% par rapport à la 6ème tournée de reconstitution. La Belgique promet € 30 millions pour 2023 et 2024. Autant dire une goutte d’eau dans l’océan et aucun effort supplémentaire par rapport au passé. Qu’en est-il des pays voisins 4 ?

  • L’Allemagne : € 130 millions (a augmenté sa participation de 30%)
  • Les Pays-Bas : ​ € 180 millions (a augmenté sa participation de 15%)
  • La France : € 159,6 millions (a augmenté sa participation de 23%)
  • Luxembourg : ​ € 117 millions (a augmenté sa participation de 26%)

Si la communauté internationale ne parvient pas à se mobiliser davantage pour ses trois maladies, la note n’en sera que plus salée pour l’humanité.

Il est plus qu’urgent que la communauté internationale, dont la Belgique, prenne la juste mesure de l’urgence en matière de lutte contre le sida

Le manque de ressources ouvre la voie à des soins de qualité inférieure, les pays n’étant pas en mesure de mettre en œuvre des programmes de soins fondés sur des données probantes ni de se conformer aux recommandations de l’OMS. Les approches novatrices qui pourraient changer la donne en matière de progrès ne peuvent être mises en œuvre sans un financement réaliste.

Chaque retard dans la réduction des nouveaux cas et des décès signifie plus d'infections, plus de décès, plus de coûts humains, sanitaires et économiques, aujourd’hui comme à l’avenir. Tout retard dans la lutte contre le VIH se traduira par des coûts plus élevés pour la santé, pour les personnes et pour les économies, à moyen et à long terme. C’est notamment ce constat que fait Médecins Sans Frontières dans son rapport « Quand l’écart se creuse », les pandémies négligées » et qui appelle la communauté internationale et tous bailleurs de fonds internationaux à se réengager à la juste mesure du défi de santé mondiale que représente notamment le VIH, au risque de perdre tous les acquis du passé.

MSF sur la ligne de front de la lutte contre le VIH

Depuis de nombreuses années, Médecins sans Frontières agit sur le terrain en matière de prévention, dépistage, mise sous traitement et suivi des patients séropositifs dans les pays à ressources limitées. A ce jour, MSF soutient plus de 86.000 patients dans 17 pays différents.

1 ​ ​ https://www.unaids.org/fr/resources/presscentre/pressreleaseandstatementarchive/2022/july/20220727_global-aids-update

2 ONUSIDA, données 2021

3 In Danger, UNAIDS https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/2022-global-aids-update_en.pdf

4 https://www.globalfundadvocatesnetwork.org/gfan-pledge-tracker/

 

Disponibilité pour toute demande d'interview

Stéphanie Drèze - HIV/TB advocacy coordinator pour Médecins Sans Frontières

Quentin Barrea Press Officer, Médecins Sans Frontières

 

 

 

 

 


 

A propos de MSF/AZG

Médecins Sans Frontières est une organisation médicale humanitaire d’urgence, active dans plus de 70 pays du monde.