RDC : MSF appelle à un sursaut de mobilisation face à l’ampleur de la crise au Nord-Kivu

RDC : MSF appelle à un sursaut de mobilisation face à l’ampleur de la crise au Nord-Kivu

Une catastrophe humanitaire est en cours au Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où environ un million de personnes ont été forcées de quitter leur maison au cours des douze derniers mois pour fuir les combats liés à la résurgence du groupe armé M23. Cette crise majeure exacerbe une situation humanitaire déjà critique dans cette province. Dans certaines régions, les équipes observent une augmentation de 70% d’enfants malnutris par rapport à l’année précédente. Déplorant une réponse largement insuffisante, MSF appelle la communauté internationale et les autorités à urgemment accroitre leurs efforts pour répondre aux besoins de la population et faire face à d’importants risques sanitaires.

«La situation au Nord-Kivu est alarmante », avertit Raphaël Piret, représentant national de MSF en RDC. « Il suffit de regarder les conditions indignes dans lesquelles les gens vivent aux abords de la ville de Goma, la capitale provinciale, pour se rendre compte que la réponse n’est pas à la hauteur des besoins. Pourtant, ce ne sont pas les organisations humanitaires qui manquent à l’est de la RDC.»

Conditions de vie désastreuses

En l’espace de quelques mois, des centaines de milliers de personnes ont été forcées de fuir leur maison et leur village pour se réfugier dans des familles d’accueil ou des sites informels. Environ 3 000 abris, accueillant à l’heure actuelle quelques 15 000 personnes, ont été construits depuis un an à la périphérie de Goma ; un chiffre bien trop faible par rapport à l’ampleur des besoins. « C’est une goutte d’eau dans l’océan par rapport aux centaines de milliers de personnes déplacées qui s’entassent aux portes de la ville », explique Abdou Musengetsi, coordinateur de projet pour MSF à Goma. « Des familles entières sont depuis des mois à la merci des intempéries, des épidémies et des violences, comme en témoigne le nombre inquiétant de victimes de violences sexuelles que nous soignons chaque jour dans nos structures. »

Les équipes de MSF travaillent aux abords de Goma depuis le mois de mai 2022 pour apporter une assistance médicale gratuite, assurer l’approvisionnement en eau potable et construire des douches et des latrines. A Bulengo, un campement informel situé à 10 kilomètres à l’ouest de Goma, on dénombre une latrine pour près de 500 personnes, soit dix fois moins que ce qui est préconisé pour respecter les standards d’urgence humanitaire. Dans le site voisin de Lushagala, les personnes déplacées survivent avec à peine plus d’un litre d’eau potable par jour, largement en-dessous des quinze litres quotidiens d’eau recommandés.

Le manque d’eau potable et de latrines, combinés à des abris inadéquats et surpeuplés, créent des conditions propices à l’apparition et la propagation des maladies. Au cours des mois passés, la rougeole et le choléra ont éclaté dans des sites de déplacés au nord de Goma, dans le territoire de Nyiragongo, tandis que ces dernières semaines la situation sanitaire est devenue critique à Bulengo et Lushagala, où les cas suspects de rougeole et de choléra se sont multipliés. « Au mois de mars, rien qu’à Bulengo, nous avons pris en charge près de 2 500 patients présentant des symptômes du choléra et plus de 130 enfants souffrant de la rougeole », s’inquiète Abdou Musengetsi.

Aujourd’hui, près de 2,5 millions de personnes sont déplacées sur l’ensemble de la province du Nord-Kivu selon les Nations unies. Avec la poursuite des affrontements, davantage de personnes risquent de devoir fuir de chez elles et auront besoin d’aide pour survivre.

Accès restreint aux soins de santé

Au nord de Goma, les équipes de MSF observent également les conséquences de cette crise dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Lubero. Avec le déplacement des lignes de front, la plupart des routes principales de la région ont été coupées. De nombreuses structures médicales sont à court de médicaments à cause de problèmes d’approvisionnement. L'accès aux soins, déjà difficile auparavant, l’est devenu encore plus aujourd'hui étant donné le manque de structures de santé fonctionnelles et le coût des soins médicaux, inabordable pour beaucoup dans le contexte de la crise économique actuelle.

« Les gens doivent choisir entre manger ou se soigner », explique Monique Doux, coordinatrice de projet pour MSF à Rutshuru. « Pour ceux qui peuvent se permettre de payer des soins, encore faut-il qu’ils tombent sur une structure de santé fonctionnelle, ce qui peut demander plusieurs heures de marche. »

Avec l’augmentation des prix et la détérioration de l’accès aux soins, l’insécurité alimentaire s’aggrave dans la province. Plus d’un tiers des habitants du Nord-Kivu, soit 3 millions de personnes, sont à risque d’insécurité alimentaire selon les Nations unies. « Dans les centres de santé que nous soutenons dans le territoire de Rutshuru, nous avons pris en charge plus de 8 500 enfants malnutris en 2022, soit près de 70% de plus par rapport à 2021 »,

Dans le territoire de Rutshuru, comme dans celui de Lubero et Masisi, il y a un manque criant d’acteurs. « On a l’impression que les communautés ici ont été abandonnées », regrette Monique Doux. « Depuis des mois, MSF est la seule organisation humanitaire présente dans le territoire de Rutshuru mais les besoins des habitants dépassent largement notre capacité de réponse. »

« Il n’y a plus de temps à perdre », conclut Raphaël Piret. « La communauté humanitaire et les autorités doivent redoubler d’efforts pour s’assurer que l’aide arrive à toutes les personnes qui en ont besoin, où qu’elles soient ; tandis que toutes les parties au conflit doivent s’engager à faciliter l’accès des organisations humanitaires. »

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A propos de notre réponse d’urgence

MSF a lancé des activités médicales d'urgence pour les personnes déplacées dès le mois d’avril 2022 dans le territoire de Rutshuru. Depuis les premiers afflux de personnes déplacées vers Goma, au mois de mai 2022, les équipes d’urgence de MSF offrent des soins médicaux, assurent l’approvisionnement en eau potable et renforcent les conditions d’hygiène sur différents sites de déplacés, d'abord à Munigi et Kanyaruchinya, et plus récemment Bulengo et Lushagala. Au mois de février 2023, nos équipes ont, par ailleurs, apporté une assistance humanitaire et médicale à environ 30 000 personnes temporairement déplacées dans la ville de Mweso. A l’heure actuelle, MSF renforce sa réponse pour les personnes déplacées à Kayna, dans le territoire de Lubero, et à Minova, dans la province du Sud-Kivu. En parallèle, les équipes de MSF continuent leurs activités régulières à Goma, Rutshuru, Kibirizi, Bambo, Binza, Mweso, Masisi et Walikale, fournissant des soins essentiels à des milliers de personnes au Nord-Kivu.

Interview : Dr Guyguy Manangama Duki MSF emergency medical coordinator North Kivu: a yearlong major humanitarian crisis.mp4 - 289 MB
Quentin Barrea Press Officer, Médecins Sans Frontières

 

A propos de MSF/AZG

Médecins Sans Frontières est une organisation médicale humanitaire d’urgence, active dans plus de 70 pays du monde.