RDC : le double fardeau du Covid-19 à Kinshasa

En trois mois, la République démocratique du Congo (RDC) a dépassé la barre des 4800 cas confirmés de Covid-19. Si onze provinces du pays sont aujourd’hui touchées, sa capitale, Kinshasa, comptabilise plus de 89% des cas. Outre l’impact direct du Covid-19 sur les patients, MSF constate que la pandémie a un effet collatéral inquiétant sur l’accès aux soins dans les structures de la ville.

Déjà aux prises avec des épidémies de rougeole et d’Ebola, la RDC fait face depuis le 10 mars à la pandémie de Covid-19, qui s’étend progressivement sur tout le territoire. Pour réduire la propagation du nouveau coronavirus, notamment dans sa capitale de 13 millions d’habitants, les autorités ont rapidement dû mettre sur pied des mesures de prévention telles que la limitation des mouvements, le confinement partiel de certains quartiers, le port obligatoire du masque et la sensibilisation de masse aux gestes barrières.

En dépit de ces mesures, les cas n’ont cessé de se multiplier et plus de 4800 personnes ont été confirmées porteuses du virus en l’espace de trois mois – un chiffre probablement sous-estimé au vu des capacités de test Covid-19 encore limitées dans le pays.

Face au danger représenté par le nouveau coronavirus, MSF a rapidement mis sur pied des interventions spécifiques dans toutes ses zones d’intervention, à Kinshasa comme ailleurs dans le pays, renforçant immédiatement les mesures de prévention, installant des espaces d’isolement et menant des activités de sensibilisation communautaire.

« A Kinshasa, nous avons organisé des équipes mobiles pour soutenir 50 structures de santé de la ville », explique Karel Janssens, chef de mission de MSF en RDC. « Nos équipes y ont renforcé les mesures d’hygiène, ont fourni des masques et des lave-mains, et ont formé le personnel médical ainsi que les relais communautaires sur la prévention et le contrôle des infections. La protection du personnel et des patients a tout de suite été la priorité absolue. »

De plus en plus de cas graves

Quelques semaines après le début de la pandémie dans le pays, MSF a également démarré son appui à l’hôpital Saint-Joseph, dans la zone de santé de Limete. Une unité de prise en charge des patients présentant des symptômes simples à modérés a été mise en place, avec une capacité de 40 lits. De début mai à début juin, le centre a en moyenne eu 30 patients hospitalisés par jour.

« Au début de l’intervention, la majorité des patients reçus souffraient de formes bénignes du virus », explique Karel Janssens. « Mais depuis mi-mai, nous recevons de plus en plus des patients en état grave. Au 11 juin, 14 des 29 patients hospitalisés placés sous oxygénothérapie. »

Le pays ne disposant que d’un seul laboratoire pour réaliser les tests Covid-19, beaucoup de patients doivent attendre longtemps les résultats avant de pouvoir sortir des structures de santé. A Saint-Joseph, plus de 10% des patients ont attendu leurs résultats biologiques pendant plus de deux semaines, ne permettant pas de statuer sur leur sortie.

Effet caché du Covid-19 sur les soins

Depuis la déclaration de la pandémie, MSF constate une baisse marquée du nombre de consultations et d’admissions en consultation et hospitalisation générale dans les structures de santé qu’elle appuie à Kinshasa, y compris dans son centre de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/Sida, le Centre Hospitalier de Kabinda. « Au Centre Hospitalier Kabinda, le nombre de consultations VIH a baissé de 30% entre janvier et mai » note Gisèle Mucinya, coordinatrice médicale du projet VIH/Sida de MSF à Kinshasa.

Le Dr Rany Mbayabu, médecin directeur du centre hospitalier privé Mudishi Liboke, tire le même constat. « Depuis mars, les consultations ont chuté de plus de moitié ici, passant d’environ 250 à 100 patients par mois. Nos malades nous disent qu’ils ont peur de se faire contaminer par le Covid-19 en venant consulter. D’autres évoquent les difficultés de mouvement ou l’impact économique des mesures de prévention ».

Cette baisse de fréquentation inquiète MSF. « De nombreuses personnes redoutent d’être infectées par le virus en se rendant dans les structures sanitaires jugées sous-équipées en matériel de protection, ou d’y être isolées et stigmatisées longtemps du fait des délais pour obtenir les résultats des tests », constate Karel Janssens. « Cette situation affecte la prise en charge des personnes malades et le suivi de leur traitement, notamment dans le cas de pathologies telles que le diabète, la tuberculose, le paludisme ou le VIH/Sida. »  

Face à cette situation, MSF plaide pour un meilleur accès des centres de santé aux équipements de protection individuelle. « Cela améliorerait la confiance des patients à se rendre dans les structures de soins et par ricochet, renforcerait les efforts visant à contenir la propagation du Covid-19 tout en fournissant les services médicaux essentiels », estime le chef de mission MSF. « Face à une pandémie comme celle-ci, et au vu de l’augmentation des infections respiratoires qui accompagnent la saison sèche, il est vital d’assurer un bon fonctionnement des structures de santé de première ligne. Cette pandémie ne peut réduire davantage l’accès aux soins des patients. »

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