Rapport MSF sur les migrants au hub humanitaire à Bruxelles : "Une fuite sans fin"
Les ONG du hub demandent des centres d’accueil et d’orientation ainsi qu’une application plus humaine du règlement de Dublin
Deux rapports d'organisations travaillant dans le hub humanitaire, publiés aujourd'hui, montrent que les migrants et réfugiés n'osent pas demander l'asile ou protection en Belgique. Les conditions inhumaines dans les camps de réfugiés aux frontières de l'Europe, le règlement de Dublin, les actions de police et les campagnes de dissuasion en Belgique et en Europe font que ces personnes perdent toute confiance dans les instances gouvernementales. Cela augmente également leur vulnérabilité une fois en Europe. « Ils ont besoin d’informations claires, personnalisées, et ce, dans un cadre de confiance et de calme. Des centres d’accueil et d’orientation où les autorités et les organisations humanitaires travaillent ensemble et offrent tous les services dont cette population a besoin, c’est la solution », déclarent les organisations qui gèrent ensemble le hub humanitaire depuis octobre 2017 (MSF, Médecins du Monde, CIRÉ, la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés et Vluchtelingwerk Vlaanderen).
En septembre 2017, Médecins Sans Frontières, la Croix Rouge, Oxfam-Solidarité, la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés, Médecins du Monde, CIRÉ, Vluchtelingenwerk Vlaanderen et NANSEN asbl, ont mis en place un hub humanitaire à la gare du Nord de Bruxelles, près du parc Maximilien. Avec comme volonté de répondre aux besoins des migrants et réfugiés bloqués en Belgique. Les organisations y assurent des soins médicaux, des soins de santé mentale, une assistance juridique et sociale, la distribution de vêtements et le traçage familial. Entre janvier et octobre 2018, 1718 personnes ont reçu des conseils juridiques et 1118 consultations psychologiques ont eu lieu au hub.
Peur de demander l’asile
Les personnes bloquées en Belgique sont des hommes, des femmes et des enfants qui n’ont pas d’information correcte sur leurs droits et qui, dans beaucoup de cas, ont besoin de protection internationale. Dans le rapport « Migrants en transit en Belgique : recommandations pour une approche plus humaine » de Vluchtelingwerk Vlaanderen, CIRÉ, Caritas International, NANSEN asbl et la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés, il est démontré que ces personnes ont peur de demander protection en Belgique et craignent d'être maltraitées et renvoyées sans être entendues. « Nous voyons aussi des mineurs non accompagnés qui sont extrêmement vulnérables face aux abus et à la désinformation », explique Charlotte Vandycke, directrice de Vluchtelingenwerk Vlaanderen.
Dégradation de la santé mentale à cause d’évènements traumatisants
De plus, l’état de leur santé mentale pendant leur séjour en Europe et en Belgique se dégrade, alors qu'ils sont déjà très vulnérables. Le rapport de Médecins Sans Frontières intitulé « Une fuite sans fin : soins en santé mentale au hub humanitaire de Bruxelles » montre qu’un patient sur quatre attribue ses problèmes psychologiques aux mauvaises conditions de vie, au manque de services de base et au comportement de la police en Europe et en Belgique, ainsi qu’à la grande incertitude qui entoure leur procédure. Ils vivent cela comme de l’indignité humaine et essaient ensuite d'atteindre le Royaume-Uni. Ainsi, bien qu'ils recherchent repos et protection, ils se retrouvent dans une fuite sans fin. « Les patients de la clinique de santé mentale de MSF au hub ont tous expérimenté de la violence ainsi que des évènements traumatisants dans leur pays d’origine ou sur leur chemin. C’est principalement en Libye que beaucoup d’entre eux ont expérimenté la torture, l’enfermement, le travail forcé ou les violences sexuelles. Parfois, des évènements ici en Belgique, comme des contrôles de police, ravivent ces traumatismes. Nos patients développent par exemple des troubles du sommeil, de l’anxiété et des symptômes de dépression pendant leur séjour en Belgique », explique Hélène Duvivier, psychologue chez MSF.
Seulement 10% ont en tête le Royaume-Uni comme destination finale
Ils sont donc obligés de continuer leur voyage. Le rapport de Médecins Sans Frontières montre que seulement 10% des migrants et réfugiés interrogés avaient l'intention de se rendre au Royaume-Uni dès le début de leur périple. Pour la plupart, l'idée semble avoir progressivement grandi à cause du manque d'accueil humain dans les différents pays européens.
Politique et solution
Partout en Europe, migrants et réfugiés vivent la même exclusion et se heurtent aux mêmes mesures dissuasives. « La politique actuelle a peu de respect pour les droits humains fondamentaux de ces migrants, ne travaille que sur la dissuasion, repousse et joue la carte des passeurs. Avec la mise en place de centres d'accueil et d'orientation, avec une application plus douce du règlement de Dublin III, la Belgique peut adopter une politique humaine et efficace. Ceci offre des avantages à l'ensemble de la société, dans le respect des droits humains », a déclaré Charlotte Vandycke, directrice de Vluchtelingenwerk Vlaanderen.
Une application plus douce du règlement de Dublin III constitue un chaînon manquant important dans une meilleure approche de la situation désespérée des migrants en transit. Une plus grande attention doit être accordée à la présence de membres de la famille, aux renvois dans des pays européens où les droits d'accueil et d'asile ne sont pas garantis et à la vulnérabilité, qui doit être définie de manière plus large. Dans ces dossiers, la Belgique doit assumer la responsabilité et montrer son visage humain. La protection des droits des mineurs doit également être améliorée. Pour pouvoir, à court terme, limiter le nombre de migrants en transit et garantir un accès correct à la procédure d'asile en Belgique.