Haïti : le climat d’incertitude et d’extrême violence met en péril l'accès aux soins de santé
L’assassinat du président Jovenel Moïse la semaine dernière semble avoir subitement fait prendre conscience au monde du chaos profond qui règne en Haïti. Mais cet événement n’est que le dernier épisode d’une crise multiforme qui secoue le pays depuis de longs mois. MSF alerte sur la situation humanitaire critique et le niveau de violence inouï auquel les Haïtiens sont soumis.
« Pour décrire le quotidien, il faut utiliser du vocabulaire de guerre. La capitale Port-au-Prince est traversée par plusieurs lignes de front. Des quartiers entiers sont sous la coupe de groupes armés aux territoires mouvants. Dans ces quartiers populaires souvent densément peuplés les rues sont barricadées, et dans certaines zones il y a des snipers qui tirent à vue. Les affrontements entre gangs ont forcé des milliers d’habitants à quitter certains quartiers », explique Stéphane Doyon, chef de mission MSF en Haïti.
L'ONU estime à 18 000 le nombre de personnes déplacées, accueillies soit chez des proches soit dans des sites peu adaptés, comme des écoles ou des églises. La majorité d’entre eux ayant fui ces dernières semaines suite au regain d’intensité des combats.
La violence ordinaire menace
« Si Haïti est en proie à une violence chronique depuis des années, la situation s’est graduellement détériorée depuis plus d’un an. Les structures de santé ne sont plus épargnées et nos activités médicales ont été perturbées par une succession d’incidents critiques cette année », continue Stéphane Doyon.
En février, un hôpital de MSF dédié au traitement des grands brûlés dans le quartier de Drouillard a dû être fermé, car le site était littéralement encerclé par les combats. La vingtaine de patients encore hospitalisés a dû être transférée, et l’hôpital n’a toujours pas rouvert. Le mois dernier, une explosion de violence dans le quartier de Martissant a mis le personnel du centre d’urgence de MSF, situé soudainement sur la ligne de front, à rude épreuve. Pendant plusieurs jours, le personnel soignant a dû prendre en charge des blessés tout en se protégeant de balles perdues et une ambulance de MSF a été braquée. Le 26 juin, la structure a été la cible de tirs directs, et a finalement été évacuée pour ne pas exposer davantage les patients et les personnels.
« Au-delà de ces épisodes extrêmes, c’est la violence ordinaire qui menace. En sortant dans la rue, notre personnel de santé, au même titre que la population, vit dans la peur des balles perdues, ou des braquages » explique Stéphane Doyon. Un employé de MSF qui travaillait à Tabarre a été assassiné le 25 mai par des hommes en armes alors qu’il avait fini sa journée de travail à l’hôpital et qu’il rentrait chez lui.
Détérioration de l’accès aux soins
Cet état d’insécurité permanent entraine une détérioration de l’accès aux soins pour les populations dans un système déjà extrêmement inégalitaire avec une offre de soins essentiellement privée et des structures de santé publiques démunies de moyens. Dans ce contexte, maintenir des activités médicales qui nécessitent de faire entrer et sortir les personnels et garantir leur sécurité, ainsi que celle des patients, est une gageure. Au moment où MSF devrait étendre ses activités pour répondre aux besoins médicaux croissants de la population, mais aussi à l’augmentation des cas de Covid-19, l’organisation médicale rencontre d’extrêmes difficultés pour garder ses structures ouvertes.