Grèce : MSF utilise pour la 1ère fois le « mécanisme humanitaire » en Europe pour se procurer des vaccins contre la pneumonie à un prix moins élevé
Elle peut ainsi protéger les enfants réfugiés en Grèce contre cette maladie, la plus meurtrière au monde chez les moins de cinq ans.
MSF a commencé à vacciner contre la pneumonie des enfants réfugiés dans les îles grecques de Chios, Samos et Lesbos en recourant au « mécanisme humanitaire ». Grâce au prix abordable du vaccin antipneumococcique conjugué (VPC) en situation d’urgence humanitaire, ces enfants peuvent ainsi être vaccinés contre la pneumonie. C'est la première fois que ce mécanisme est utilisé dans un pays à revenu élevé – les organisations de la société civile et les agences des Nations Unies peuvent se procurer ce vaccin au prix réduit de 8 euros par enfant, prix pour les trois doses nécessaires à la vaccination complète, lorsque la vaccination est motivée par des raisons humanitaires. Dans le monde, la pneumonie reste la première cause de mortalité des moins de cinq ans, et les enfants vivant dans des conditions précaires – notamment dans les camps de réfugiés – y sont particulièrement exposés.
Jusqu’à 480 euros par enfant
Les sociétés pharmaceutiques Pfizer et GSK sont actuellement les seules à fabriquer le vaccin contre la pneumonie, le vaccin le plus coûteux du programme de vaccination de base des enfants. Aux États-Unis, pays qui refuse de négocier le prix de ce vaccin avec les sociétés pharmaceutiques, le prix courant du VPC peut atteindre les 480 euros par enfant. En France, autre pays à revenu élevé, le même vaccin est disponible au prix de 168 euros. Dans les petits pays, qui ne sont pas vraiment en mesure de négocier, le prix du vaccin se situe généralement entre ces deux extrêmes.
« Le prix élevé du vaccin contre la pneumonie a été un obstacle à la vaccination des enfants en bas âge contre cette maladie meurtrière, qui est pourtant facilement évitable grâce au vaccin », explique le Dr Apostolos Veizis, directeur de l’unité Medical Operational Support Athens chez MSF, en Grèce. « Nous avons franchi une étape décisive en prenant la décision d’utiliser ce mécanisme dans un pays à revenu élevé pour vacciner des enfants réfugiés à un prix très réduit. Mais il y a lieu d’inclure dans ce mécanisme humanitaire un plus grand nombre de vaccins et de permettre aux gouvernements de pays qui accueillent des enfants en situation de crise de se procurer eux aussi des vaccins à ces prix “humanitaires”. Car tous les enfants du monde devraient pouvoir être vaccinés à un prix abordable. »
Avant la mise en place de ce mécanisme, les organisations et les gouvernements ne pouvaient se procurer ce vaccin à prix réduit que par le biais de GAVI, l’Alliance du vaccin – une organisation financée par les bailleurs internationaux qui aide les pays les plus pauvres à accéder aux vaccins plus récents. Le problème est que, dans de nombreux pays, les enfants – notamment ceux vivant dans des camps de réfugiés – n’ont donc pas pu être vaccinés et des organisations comme MSF n'ont pas pu l'acheter à ce prix spécial pour protéger les enfants vulnérables.
Etendre ce mécanisme
Jusqu'à présent, le « mécanisme humanitaire » a été utilisé par des organisations dans plusieurs pays à faible revenu. MSF y a ainsi eu recours pour vacciner des enfants en République centrafricaine, au Niger, au Nigeria, au Soudan du Sud et en Syrie. Ce mécanisme est cependant limité aujourd’hui à un seul vaccin. Il faut donc l’étendre pour qu’il inclue d’autres vaccins utilisés dans les contextes d'urgence humanitaire qui ne sont couverts par aucun autre mécanisme ou programme.
Nous appelons les entreprises qui fabriquent ce vaccin à faire en sorte que les gouvernements et les organisations médicales, comme MSF, puissent se procurer les vaccins à des prix abordables et protéger ainsi des enfants extrêmement vulnérables qui doivent être vaccinés de toute urgence.
Fabriquer des vaccins plus abordables
Bien que le « mécanisme humanitaire » se soit révélé utile en permettant la vaccination d’enfants vulnérables en situation de crise humanitaire, de très nombreux pays – quels que soient leurs niveaux de revenus – continuent à avoir beaucoup de mal à se procurer le vaccin contre la pneumonie à un prix abordable. Environ un tiers des pays du monde n'ont pas été en mesure d'intégrer la vaccination contre la pneumonie dans leur programme de vaccination de base en raison du prix exorbitant demandé par Pfizer et GSK.
C’est par exemple le cas de la Jordanie, confrontée au coût élevé des vaccins alors qu’elle doit faire face à un afflux massif de réfugiés, qui en fait le deuxième pays d’accueil au monde, en termes du nombre de réfugiés par rapport à la population totale. Bien que le pays ait introduit la gratuité des vaccins pour tous les enfants – quelle que soit leur nationalité ou leur statut migratoire –, il n’a pas les moyens d’acheter des vaccins très coûteux, comme celui contre la pneumonie. Tous les enfants du pays sont donc vulnérables aux infections à pneumocoque.
« Le “mécanisme humanitaire” est une solution provisoire qui vise surtout à lever l’obstacle du prix trop élevé du vaccin contre la pneumonie », explique Mme Scheele. « Mais la situation ne changera vraiment que lorsque de nouveaux fabricants commercialiseront des vaccins plus abordables contre la pneumonie. Cela en sera alors fini de la cupidité des entreprises pharmaceutiques, qui met la vie des enfants en danger. Nous ne pouvons plus accepter que la vaccination, qui peut protéger les enfants contre des maladies mortelles, reste un luxe pour la majorité d’entre eux. »
Depuis 2009, Pfizer et GSK ont réalisé un chiffre d'affaires de 49,1 milliards de dollars grâce au seul vaccin contre la pneumonie.
En mai 2017, un « mécanisme humanitaire » a été lancé conjointement par l'OMS, UNICEF, MSF et Save the Children pour permettre aux organisations de la société civile, aux gouvernements et aux agences de l’ONU de se procurer rapidement des vaccins à des prix abordables au bénéfice des populations devant faire face à des situations de crise humanitaire.
A ce jour, Pfizer et GSK sont les deux seules sociétés pharmaceutiques à s’être engagées à vendre leur vaccin contre la pneumonie au prix le plus bas, au titre du « mécanisme humanitaire ». Toutefois, cette possibilité est actuellement réservée aux organisations de la société civile et aux agences de l'ONU. Les gouvernements ne peuvent en bénéficier pour leurs interventions en situation d’urgence.
En septembre 2018, le « mécanisme humanitaire » a permis aux organisations éligibles de se procurer 613 000 doses du vaccin contre la pneumonie au bénéfice de personnes en situation de crise humanitaire. MSF en a utilisé 360 000 dans le cadre de 12 campagnes de vaccination, en République centrafricaine, au Nigeria, au Niger, au Soudan du Sud et en Syrie. Plus récemment, MSF a acheté 4 800 doses, pour vacciner de jeunes réfugiés en Grèce.