Gaza: la privation d’eau s’inscrit dans la campagne génocidaire israélienne
Jérusalem, 22 août 2025 - En plus des privations de nourriture et d’accès aux soins, Israël prive délibérément la population de Gaza d'eau, dans le cadre de sa campagne génocidaire, dénonce Médecins sans Frontières (MSF). Après 22 mois de destructions des infrastructures hydrauliques essentielles et de restrictions imposées par Israël à l’entrée d’eau dans la bande de Gaza, la quantité d'eau disponible dans l'enclave est dramatiquement insuffisante. MSF et d’autres organisations humanitaires seraient en mesure d'augmenter la quantité d'eau potable disponible dans la bande de Gaza, mais Israël bloque systématiquement les importations d'équipements essentiels au traitement de l'eau. Depuis juin 2024, sur dix demandes d’importation de matériel pour la désalinisation de l’eau formulées par MSF, une seule a été approuvée.

Il est impératif qu’Israël autorise enfin l'entrée massive d'équipements essentiels pour l'approvisionnement en eau et sa distribution dans la bande de Gaza, et que l'armée israélienne cesse de détruire les infrastructures hydrauliques et autorise la réparation immédiate des réseaux qui ont été endommagés, afin de garantir à la population un accès vital à l'eau. L'eau et les autres biens de première nécessité ne devraient jamais être utilisés comme des armes de guerre.
Non seulement l'eau est globalement insuffisante pour les habitants de Gaza, mais la dépendance au transport d'eau par camion-citerne les prive de moyens fiables pour s'approvisionner. Quatre-vingt-six pour cent de la population de Gaza est soumise à un ordre de déplacement forcé de l'armée israélienne, ce qui rend l'acheminement de l'eau par camion-citerne dangereux. L'absence de moyens de stockage adéquats dans les ménages aggrave les problèmes rencontrés par la population.
La réduction de l'accès à l'eau potable à Gaza a entraîné une augmentation des maladies. Les équipes médicales de MSF ont effectué plus de 1 000 consultations par semaine pour des cas de diarrhée aqueuse aiguë au cours du mois dernier. Sans eau suffisante pour l'hygiène, les habitants souffrent d'affections cutanées, comme la gale.
L'eau potable est également essentielle pour les hôpitaux : elle permet de réduire la propagation des infections et de maintenir l'hydratation des patients afin que leur corps puisse guérir de leurs blessures et de leurs maladies.
« Il y a trop peu d'eau pour trop de personnes », explique Mohammed Nsier, responsable eau et assainissement pour MSF à Gaza. « La quantité que nous pouvons fournir est très faible par rapport aux besoins, et les conditions sont extrêmement difficiles. »
Israël crée des conditions difficiles pour l'approvisionnement en eau potable de la population. Le gouvernement israélien a toujours contrôlé une grande partie du débit d'eau à Gaza. L'eau potable naturelle est absente à Gaza à cause de la salinisation et de la contamination des eaux usées et des produits chimiques, ce qui rend la population dépendante des canalisations en provenance d'Israël et des usines de dessalement de Gaza. Ces infrastructures sont soumises à des attaques israéliennes constantes.
Israël a endommagé à plusieurs reprises deux des trois canalisations d'eau de Gaza depuis octobre 2023. On estime que 70 % de l'eau qui circule dans ces canalisations est perdue via des fuites sur le reseau général de canalisations, suite aux dégâts causés par les bombardements. Par conséquent, l'eau doit être distribuée par camion-citerne, provenant des usines de dessalement. Sur les 196 usines de dessalement gérées par des organismes publics et des ONG, plus de 60 % sont hors service en raison de leur emplacement ou pour cause de dommages.
Les organisations humanitaires sont prêtes à réparer les canalisations et les installations endommagées des infrastructures d'eau qui existaient avant octobre 2023, mais Israël a entravé ces efforts à plusieurs reprises en refusant l'accès à ces sites. Pour les endroits accessibles, les réparations se résument à des techniques « Frankenstein », récupérant des pièces d'un générateur ou de sites endommagés pour en réparer un autre, et tentant désespérément de s'approvisionner localement en pièces détachées. Il n’y a pas d’autre choix, car Israël empêche l'entrée à Gaza des pièces nécessaires à la réparation de ces infrastructures. Lorsque des pieces arrivent, elles arrivent avec des mois de retard en raison de ces blocages délibérés.
Sept unités de traitement d'eau de MSF produisent suffisamment d'eau pour que 65 000 personnes puissent recevoir 7,5 litres par jour(1), soit une fraction des besoins réels.
Depuis des mois, MSF tente d'installer neuf nouvelles unités de traitement à Gaza – ce qui augmenterait considérablement sa capacité de production d'eau – mais ces efforts sont restés vains, Israël n'ayant pas délivré d'autorisations ni autorisé l'entrée de ces unités à Gaza.
Lorsque les camions-citernes réussissent à atteindre les usines de dessalement, la distribution aux populations se heurte également à des obstacles majeurs. Atteindre les populations en toute sécurité est quasiment impossible, car l'intensification des activités militaires et les bombardements dans les zones dites sûres nécessitent de déplacer constamment les points de distribution. En 2025, MSF a dû cesser de fournir de l'eau dans au moins 137 points de distribution. Pour se procurer de l’eau potable, les gens doivent parcourir de longues distances à pied, portant leurs lourds jerricans.
« Vous voyez la situation dans laquelle sont les gens, tout le monde a désespérément besoin d'eau », confie une femme attendant une distribution MSF dans la ville de Gaza. « Honnêtement, c'est très, très difficile d'avoir de l'eau ; même marcher un peu est très difficile. Je ne sais pas quoi vous dire, c'est une torture. »
Les dangers de la collecte d'eau sont aggravés par ses restrictions, la rareté créant des tensions lors des distributions. Des personnes ont confié au personnel de MSF craindre de devoir aller chercher de l'eau. Nos équipes voient des enfants se perdre après qu'un site de distribution a été contraint de bouger suite à un ordre de déplacement ou à une frappe aérienne, ou parce que des dégâts importants ont rendu leur environnement méconnaissable.
« Comme pour la nourriture, les fournitures et les soins de santé, l'armée israélienne restreint l'accès à l'eau au strict minimum », explique Ozan Agbas, responsable des urgences chez MSF. « En s'abstenant de couper complètement l'eau, elle s’autorise un déni plausible tout en privant les Palestiniens de leurs moyens de survie. »
(1) 7,5 litres est la quantité minimale d'eau dont une personne a besoin par jour en cas d'urgence humanitaire, selon l'OMS : Eau, assainissement et santé
Notes aux rédactions
Les organisations humanitaires peinent à accroître leurs activités de production d'eau. Les autorités israéliennes (depuis juin 2024):
- Refusent souvent l'entrée de nouvelles unités de dessalement et n'autorisent pas l'entrée d'éléments essentiels à la production et à la distribution d'eau, tels que les générateurs, les pièces détachées d'équipement, le chlore et autres produits chimiques utilisés pour le traitement de l'eau.
- Parmi toutes les demandes d'autorisation d'entrée de produits essentiels au traitement de l'eau présentées par MSF, seules 51 % ont été approuvées ; pour les produits nécessaires au dessalement de l'eau, 11 % ont été approuvés (au lieu d'être refusés ou mis en attente). Un même produit peut être approuvé une fois et rejeté la fois suivante, comme les membranes et les pièces de filtre utilisées pour le dessalement.
- De nombreux produits liés à l'eau et à l'assainissement attendent également des mois d'autorisation ; certaines demandes de pompes à eau, de pièces détachées et de réservoirs d'eau sont en attente depuis des centaines de jours.
- Nous sommes contraints de recourir à des techniques « Frankenstein » : pour alimenter nos centrales, nous n’avons d’autre choix que de récupérer les pièces d'un générateur pour en réparer un autre ; Pour produire de l'eau propre, nous devons construire des unités de dessalement à partir de pièces détachées trouvées localement ou venant de systèmes défaillants.
- Le carburant, essentiel pour alimenter les générateurs des usines de traitement de l'eau et les camions de distribution, n'arrive pas en quantité suffisante. Actuellement, les autorités israéliennes autorisent l'arrivée du strict minimum de carburant chaque semaine. Juste assez pour permettre aux services essentiels de fonctionner à capacité minimale pendant une courte période, sans savoir semaine après semaine s'ils pourront continuer.
Selon les informations du groupe sectoriel sur l’eau et l’assainissement travaillant à Gaza, 125 des 196 usines de dessalement publiques ou gérées par des ONG sont endommagées.
Quentin Barrea