Darfour: pour les déplacés de Zamzam, l’urgence est de lever le siège, acheminer l’aide et protéger les civils
Paris/Soudan, 18 avril 2025 - Après une vaste offensive terrestre lancée le 11 avril sur le camp de Zamzam par les Forces de soutien rapide (RSF), des centaines de milliers de personnes auraient rejoint les communautés déjà assiégées et privées d'aide humanitaire dans la ville voisine d’El Fasher, tandis que 25 000 personnes ont atteint Tawila où les équipes de MSF, débordées, élargissent actuellement leurs activités pour faire face aux besoins médicaux les plus urgents. MSF lance un appel urgent à mettre fin au siège et aux exactions, à acheminer l'aide humanitaire, y compris en larguant de la nourriture et des médicaments à El Fasher si nécessaire, et à permettre à ceux qui le souhaitent de fuir en toute sécurité.
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Les RSF et les groupes armés alliés sont entrés dans Zamzam, le plus grand camp de déplacés du Soudan qui accueillait environ 500 000 personnes, après des mois d'intensification de leur siège et d’attaques dans la région. Depuis le 16 avril, le camp, en grande partie détruit, serait sous le contrôle des RSF. La majorité de la population de Zamzam aurait fui vers El Fasher où elle reste piégée, hors de portée de l'aide humanitaire et exposée aux attaques en cours et à de nouvelles violences de masse.
Entre le 12 et le 15 avril, MSF a vu à Tawila plus de 25 000 personnes arriver de Zamzam et des zones voisines. Les personnes déplacées arrivent désormais de façon plus sporadique en risquant leur vie dans leur fuite. Les équipes de MSF ont mis en place un poste de santé à l'entrée de Tawila afin de fournir aux nouveaux arrivants de l'eau et un soutien nutritionnel et médical immédiat. Les cas critiques sont référés à l'hôpital local où MSF travaille depuis octobre 2024. Environ 1 600 patients ont été soignés dans les services ambulatoires d'urgence, principalement en raison d'une déshydratation sévère.
« Nous soignons des enfants qui étaient sur le point de mourir de soif. Nous avons reçu à ce jour plus de 170 personnes blessées par balle ou par explosion, dont 40 % sont des femmes et des filles », explique Marion Ramstein, coordinatrice de projet MSF à Tawila. « Les gens nous disent que de nombreuses personnes blessées ou vulnérables n'ont pas pu faire le voyage jusqu'à Tawila et sont restées sur place. Presque toutes les personnes à qui nous avons parlé ont dit avoir perdu au moins un membre de leur famille au cours de l'attaque. »
Des témoignages terribles émergent du camp de Zamzam, où des centaines de personnes auraient été tuées. Les combattants auraient fait du porte-à-porte, tiré sur les personnes se cachant dans leurs maisons et incendié de grandes parties du camp. Parmi les victimes figurent 11 membres du personnel de l'organisation humanitaire Relief International, qui gérait la seule clinique encore ouverte dans le camp après que MSF a suspendu toutes ses activités à Zamzam en février dernier en raison de l'escalade de la violence et des blocages de l’aide.
MSF demande instamment aux Forces de soutien rapide et à tous les groupes armés présents dans la région d'épargner et de protéger les civils et de veiller à ce que ceux qui veulent fuir puissent le faire en toute sécurité. Les États et les acteurs internationaux doivent user de leur influence pour traduire les discours en actions concrètes. Les Nations unies et de nombreux observateurs ont mis en garde à plusieurs reprises contre les risques de massacres et de violences ethniques à El Fasher et dans les camps de déplacés environnants, habités principalement par des personnes Zaghawa et Fur, tandis que la plupart des combattants des RSF et des milices armées alliées sont issus de tribus arabes.
Après deux ans d'une guerre dévastatrice pour la population, il est inconcevable de se résigner à l'incapacité collective à apporter une aide vitale là où elle est le plus nécessaire.
« Une réponse humanitaire massive est plus que jamais nécessaire et urgente. Si les routes menant à El Fasher sont bloquées, des opérations aériennes doivent être engagées pour apporter de la nourriture et des médicaments à cette population, estimée à un million de personnes, prise au piège et affamée. Une réponse renforcée est également nécessaire à Tawila, où certains survivants sont accueillis et où les capacités locales sont débordées », a déclaré Rasmane Kabore, chef de mission de MSF au Soudan.
MSF et plusieurs autres acteurs mettent en place des interventions d'urgence à Tawila, mais les besoins en eau, en nourriture, en soins médicaux et en abris sont largement supérieurs à leurs capacités.
Quentin Barrea