Crise de l’accueil : un mois après, quel bilan pour MSF à Pacheco ?

Crise de l’accueil : un mois après, quel bilan pour MSF à Pacheco ?

Depuis janvier 2022, Fedasil ne fournit plus d’accès à l'hébergement ni aux soins de santé à la plupart des hommes demandeurs d'asile alors qu’elle en a l’obligation. L’agence fédérale a déjà été condamnée plus de 5.000 fois depuis le début de l’année pour ne pas avoir assuré leur accueil. Actuellement, plus de 2.300 personnes demandant la protection internationale attendent toujours un lit dans les rues de Bruxelles. Depuis octobre dernier, une nouvelle étape dans cette crise humanitaire a été franchie : les familles et les mineurs non accompagnés ne sont désormais plus systématiquement hébergés. Des dizaines de femmes et d'enfants sont désormais laissés à la rue, sans aucune réponse des autorités. Les organisations humanitaires n’ont d’autre choix que de continuer à se mobiliser pour pallier les manquements du gouvernement.

  • Plus de 550 consultations médicales et 50 consultations psychologiques en un mois
  • Questions de santé publique inquiétantes à Bruxelles
  • Préoccupation particulière quant à la santé mentale des demandeurs d’asile
  • MSF demande aux autorités de se mobiliser

Aucun examen médical ni d’identification de vulnérabilités n’est prévu pour les personnes qui se voient refuser l’accompagnement auquel ils ont droit, bien que nos équipes aient constaté d’importants problèmes de santé publique (tuberculose, gale, dermatoses, et autre maladies infectieuses) et de protection des personnes (personnes isolées, familles, MENA…). C’est pour cette raison, que MSF a décidé d'intervenir, il y a un mois, en installant une clinique de rue temporaire afin d’offrir une consultation aux personnes présentant des vulnérabilités spécifiques. Nos équipes sont sur place du lundi au vendredi de 8h à 16h et réfèrent les patients les plus vulnérables dans l’espoir de pouvoir trouver un abri et l’accès à des services plus spécialisés. ​

Évaluation médicale en quelques chiffres

Un premier bilan a pu être établi après un mois d’intervention. Nos équipes ont effectué plus de 500 consultations. 94% des consultations concernent des hommes adultes, dont 90 % vivent actuellement dans la rue, depuis plusieurs mois pour certains. Depuis le début de l’intervention nous avons également pris en charge 28 femmes et de 28 mineurs, accompagnés ou non, ne disposant pas d’hébergement. Les principales raisons de consultation sont dues à des problèmes de peau, des troubles intestinaux, des infections respiratoires, des traumatismes ou des problèmes orthopédiques.

Plus inquiétant encore, nous notons une quarantaine de cas probables de diphtérie cutanée (dont quatre confirmées en laboratoire), ce qui correspond à l’augmentation du nombre de cas constatée en Europe, 99 cas de gale nécessitant un traitement, et plus d’une vingtaine de demandes de prescription pour interruption de traitement du VIH, ou pour des maladies non transmissibles telles que le diabète, l’épilepsie et l’hypertension.

Importance du soutien psychologique

Outre le développement et la propagation de certaines maladies, les conséquences d’une exposition à la rue sur l’état psychologique des demandeurs d’asile deviennent de plus en plus préoccupantes, et leur impact est particulièrement sous-estimé. La plupart des patients ont été victimes ou témoins de l’une ou l’autre forme de violence, dans leur pays d’origine, durant leur trajet migratoire ou même à leur arrivée en Belgique. La non prise en charge globale (manque d’accès aux soins primaires et spécialisés) et le séjour en rue ont un impact direct sur la santé mentale.

Thomas Pelseneer, responsable des projets de soins de santé mentale pour MSF Belgique, insiste sur les conséquences de la rue sur la santé mentale.

« En rue, personne n’est en sécurité. Tout le monde, mais particulièrement les femmes et les enfants, peuvent être exposés à de la violence physique et à de l’exploitation. Les personnes que l'on reçoit à la clinique nous parlent souvent de violences subies récemment, de la dureté de la vie en rue et l’absence de perspectives. Ces traumatismes viennent s'ajouter à des traumas déjà existants, ce qui empire la situation et la vulnérabilité des personnes. On est là pour limiter les dégâts et leur apporter un soutien pour diminuer les risques suicidaires et leur permettre de survivre un jour de plus. »

Les principaux symptômes observés sont liés à des traumatismes et au stress, à l’anxiété et à la dépression. Parmi les 54 personnes consultées, 16 personnes ont eu besoin d’un suivi psychologique des équipes de MSF, et 5 autres d’un suivi psychiatrique. Nos équipes observent globalement une perte d’espoir chez les patients.

Des répercussions dramatiques

Les témoignages rapportés par nos équipes illustrent les conséquences dramatiques que l’absence d’hébergement peut avoir sur un public particulièrement vulnérable. Une infirmière relate le cas d’une jeune femme agressée sexuellement. Elle témoigne

« Arrivée à Bruxelles il y a deux semaines, la jeune femme a introduit une demande d’asile dès le lendemain de son arrivée. L'Office des Étrangers lui a répondu qu'il n'y avait pas de place pour elle dans le réseau d'accueil. En l’absence de solution d’hébergement, elle a passé la nuit dehors où elle a été agressée sexuellement. Elle s'est rendue à notre clinique le jour suivant. Nos équipes l’ont prise en charge et lui ont trouvé un endroit où rester chez un de nos partenaires. A l’heure actuelle, elle ne bénéficie toujours pas d’une place dans le réseau d’accueil. »

Cet exemple dramatique rappelle l’urgence de mettre à l’abri toutes les personnes qui viennent demander la protection en Belgique.

Recommandations de MSF

Compte tenu de la situation sanitaire des personnes laissées dans les rues et des risques de santé publique qui en découlent, nous attirons l'attention des autorités sur la nécessité de mettre en place une réponse adaptée à cette situation humanitaire et de continuer à fournir les soins médicaux nécessaires après la fin de l'opération MSF. Nous demandons :

  • Que les demandeurs d’asile et migrants bénéficient de consultations et de soins médicaux auxquels ils ont droit. ​ La vaccination doit être accessible pour tous.
  • L’accueil adapté des demandeurs d’asile présentant des vulnérabilités médicales et de santé mentale. Les personnes présentant des symptômes de diphtérie / ou avec diphtérie confirmée doivent pouvoir être isolées et traitées.
  • Qu’un centre médical temporaire soit ouvert pour répondre au mieux à la situation humanitaire.
Quentin Barrea Press Officer, Médecins Sans Frontières

 

 

 

 

 

 

 

A propos de MSF/AZG

Médecins Sans Frontières est une organisation médicale humanitaire d’urgence, active dans plus de 70 pays du monde.