Confinement, violence et chaos: comment le camp de réfugiés européen traumatise hommes, femmes et enfants à Lesbos

Bonjour,

Vous trouverez ci-dessous un communiqué dans lequel MSF déplore une fois encore les conditions de vie épouvantables dans le camp de réfugiés de Moria, sur l'île de Lesbos, en Grèce. 8.000 personnes y sont entassées pour une capacité de 3.000. On n'y compte qu'une toilette pour 72 personnes et une douche pour 84 personnes en moyenne. La violence se fait quotidienne et les effets sur la santé mentale de nombreuses personnes sont dévastateurs, allant jusqu'à des tentatives de suicide.

Pour info, vous trouverez également une sélection de photos et un webclip. Des interviews (en Français) sont possibles depuis Athènes ou Lesbos.

Cordialement,

Raphaël Piret

Confinement, violence et chaos: comment le camp de réfugiés européen traumatise hommes, femmes et enfants à Lesbos

Avec une population de migrants et de réfugiés en constante augmentation sur l’île de Lesbos, en Grèce, la situation dans le camp de réfugiés de Moria continue de plonger dans le chaos, avec des affrontements et émeutes réguliers, des actes de violence sexuelle, et l’effondrement de l’état de santé mentale des milliers de personnes coincées dans le camp.

Il y a actuellement plus de 8000 personnes entassées dans un espace conçu pour 3000 à Moria. En conséquence, les conditions sont si mauvaises que la santé et la santé mentale des personnes sont gravement compromises. Ces derniers mois, MSF a été témoin de l’escalade de la violence quotidienne à Moria, et a soigné des cas de violence sexuelle qui se sont produits dans et autour du camp.

Une grande partie de cette tension est causée par la surpopulation et le manque de conditions de vies humaines et décentes. Dans la zone principale du camp de Moria et d’Olive Grove, il y a en moyenne une toilette fonctionnelle pour 72 personnes et une douche pour 84 personnes. C’est largement en-dessous des standards humanitaires recommandés lors de situations d’urgence.

MSF craint que l’insécurité, le manque de conditions de vie humaines et l’incertitude dans laquelle vivent ces personnes pendant des mois ou des années, ne portent gravement atteinte à la santé mentale des habitants. La clinique MSF spécialisée en santé mentale à Mytilène accepte uniquement les cas sévères de problèmes psychologiques et travaille actuellement à pleine capacité.

« Une des raisons pour lesquelles la santé mentale des personnes se détériore si drastiquement ici à Lesbos est le fait qu’elles ont vécu des expériences traumatisantes et qu’elle espéraient trouver espoir et dignité en arrivant en Europe. Mais elles y trouvent le contraire : plus de violence et des conditions inhumaines », déplore Giovanna Bonvini, en charge des activités de santé mentale dans la clinique de Mytilène.

« L'autre jour, un jeune homme victime de violence sexuelle a été amené par un ami à la clinique en pleine dépression psychotique. Il avait des troubles de stress post-traumatique et souffrait d’hallucinations et de flashbacks, et ne pouvait pas s’arrêter de pleurer pendant la session qui a duré deux heures », explique Bonvini.

« Il a peur de l’obscurité et est constamment terrifié à l’idée d’être attaqué à Moria. L’équipe a commencé à lui prodiguer un traitement et il reçoit des sessions psychologiques intensives, donc il est maintenant stable. Mais il ne pourra pas faire plus de progrès, tant qu’il vivra à Moria : il sera bloqué dans un cycle de désespoir et de détresse ».

MSF reçoit maintenant chaque semaine environ 15 à 18 patients référés par d’autres ONG pour des cas de problèmes aigus de santé mentale, dont des enfants. Mais c’est juste la partie émergée de l’iceberg ; il y a beaucoup de personnes qui souffrent de graves problèmes en santé mentale que nous n'avons pas la capacité de soigner. Cela est dû au fait que MSF est le seul acteur prodiguant de tels soins spécialisés pour une si grande population vulnérable.

“La majorité de ces personnes sont de nouveaux arrivants souffrant de symptômes psychotiques dont des hallucinations, de l’agitation, de la confusion, de la désorientation et qui ont de fortes tendances suicidaires ou qui ont déjà tenté de se suicider », explique le Dr. Alessandro Barberio, psychiatre MSF à la clinique de Mytilène.

Tout aussi inquiétant est le constat, observé lors de nos sessions de thérapie psychologique de groupe pour les enfants, que tant les mineurs non accompagnés que les enfants vivant avec leur famille dans le camp, sont retraumatisés par les expériences qu’ils endurent en vivant à Moria.

« Ces quatre dernières semaines, nous recevons un nombre croissant de mineurs souffrant de crises de panique intenses, d’idées suicidaires ou ayant tenté de mettre fin à leurs jours », poursuit le Dr. Barberio. « Les conditions de vie déplorables et la violence quotidienne dans le camp de Moria ont un impact sérieusement préjudiciable sur la santé mentale de nos patients et provoquent chez beaucoup d’entre eux d’importants problèmes mentaux. »

MSF appelle à évacuer les personnes vulnérables de Moria vers des structures où la sécurité est assurée et continue à demander la décongestion du camp. Nous insistons de nouveau sur le fait qu’il est impératif de mettre fin aux politiques de confinement et appelons l’UE et les autorités locales à améliorer l’accès aux soins de santé et la sécurité dans le camp.

Notre expérience montre que la politique de dissuasion de l’accord entre l’UE et la Turquie n’est pas efficace ; les gens vont continuer de fuir la guerre et la terreur pour survivre. Piéger ces gens dans des conditions épouvantables et dans l’insécurité ne fait que traumatiser encore davantage des populations déjà extrêmement vulnérables.

A propos de MSF/AZG

Médecins Sans Frontières est une organisation médicale humanitaire d’urgence, active dans plus de 70 pays du monde.