Chaos en Haïti : MSF appelle à intensifier urgemment les efforts de lutte contre la flambée de choléra
Port-au-Prince, le 16 novembre 2022 | Le nombre des cas de choléra augmente de manière très inquiétante dans la capitale haïtienne Port-au-Prince et dans plusieurs départements du pays. Médecins Sans Frontières appelle à une intensification immédiate de la réponse à cette flambée qui se déroule dans un contexte de crise politique, économique et sécuritaire sans précédent. Port-au-Prince est aujourd’hui une ville encerclée, étouffée, les principaux axes routiers la reliant au reste du pays étant contrôlés par des groupes armés.
« Nos centres actuels sont saturés, et nous sommes bientôt au maximum de nos capacités d’intervention », s’inquiète Mumuza Muhindo, chef de mission, faisant référence aux 389 lits très souvent occupés dans les six centres de traitement choléra (CTC) installés par MSF depuis l’apparition des premiers cas le 29 septembre dernier. « Depuis fin octobre, nous traitons en moyenne 270 patients par jour dans nos centres, alors que nous n’en recevions qu’une cinquantaine au cours des deux premières semaines. Au total, nous avons admis plus de 8,500 patients et avons recensé 97 décès ; l’évolution est très préoccupante ».
Un des seuls acteurs sur le terrain
MSF est l’une des rares organisations présentes aux côtés des autorités de santé pour lutter contre la propagation du choléra, dont la résurgence est le symptôme d’une situation humanitaire et sanitaire catastrophique. Cette flambée de cas se déroule dans un contexte de crise politique, économique et sécuritaire sans précédent. Il faut que plus d’organisations et de bailleurs se mobilisent, et que des outils indispensables, comme la vaccination, puissent être mis à disposition des équipes médicales et de la population haïtienne.
Paralysie du système
La mise à disposition de carburant suite au déblocage du principal terminal pétrolier le 4 novembre, après plusieurs semaines pendant lesquelles il a été bloqué par l’un de ces groupes armés, n’a toujours pas amélioré substantiellement la situation. En effet, l’accès au carburant est trop cher pour une grande partie de la population qui traverse une crise économique aigue, et le fonctionnement des structures sanitaires reste touché avec des services fermés et la circulation des ambulances réduite. L’accès à l’eau propre – élément crucial dans la lutte contre le choléra – dépend également de la circulation de camions-citernes, eux-mêmes tributaires de l’accès au carburant, et du contexte sécuritaire.
« La ville est envahie par les déchets qui ne sont pas ramassés depuis des mois, et aucune distribution d’eau n’a lieu dans des quartiers comme Brooklyn à Cité Soleil où les routes sont coupées à cause des détritus et inondées par l’engorgement des canaux et des égouts, qui provoque d’immenses inondations », explique Mumuza Muhindo, chef de mission chez MSF.
Besoin urgent d’aide supplémentaire
MSF détient à elle seule plus de 60% de la capacité en lits pour traiter les patients atteints de choléra dans la capitale. Des équipes mobiles composées de spécialistes de l’eau et de l’assainissement et de promoteurs de la santé, travaillent régulièrement dans les quartiers les plus touchés pour sensibiliser aux gestes barrières contre la maladie ; ils ont aussi organisé la chloration d’environ 100 points d’eau et l’installation de 8 points de réhydratation orale (ORP) où sont distribués des produits de base et de l’eau propre. Malgré ces activités déjà déployées, MSF et les quelques organisations présentes dans la réponse ne pourront parvenir à bout de cette flambée de choléra. D’autres acteurs humanitaires et bailleurs doivent se joindre à l’effort de réponse, en mettant en place des centres de traitement, ou en renforçant en urgence les activités d’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à des solutions de réhydratation orales.
De plus, il est extrêmement important que la vaccination soit déployée comme un outil fondamental dans la lutte contre la maladie. Les autorités ont formalisé leur demande à l’ICG, mécanisme international de coordination de la réponse vaccinale, pour obtenir une quantité de doses de vaccin. MSF se tient prête à débuter la mise en œuvre d’une campagne de vaccination, en soutien des autorités sanitaires et en complément d’autres activités d’eau et d’assainissement et de promotion de la santé.
Partie émergée de l'iceberg
A mesure que le nombre de cas de choléra progresse dans les différentes communes de la capitale mais aussi dans d’autres départements, il reste difficile d’évaluer l’ampleur réelle de la flambée. « La saturation des centres de traitement de choléra qui empêche la prise en charge de tous les patients, les difficultés pour les malades de se déplacer à cause des pénuries de carburant et de l’insécurité, ou l’augmentation des décès communautaires difficile à quantifier, sont des signes préoccupants », déclare Michael Casera, épidémiologiste chez MSF. « Souvent, les malades qui présentent des symptômes sévères pendant la nuit dans les quartiers les plus touché par l’insécurité doivent rester chez eux car les motos-taxis refusent de les transporter dans un centre de santé ».
MSF en Haïti
Depuis plus de trente ans, les équipes de MSF fournissent des soins médicaux gratuits en Haïti et gèrent actuellement 7 projets dans l’ensemble du pays, dans la capitale Port-au-Prince, dans le Sud et à Artibonite : prise en charge des urgences vitales, des cas traumatiques, des grands brûlés, des victimes de violence sexuelle, fourniture de soins reproductifs. MSF intervient également régulièrement lors de situations d’urgence, comme les catastrophes naturelles. En 2021, les équipes MSF ont mené 25 000 consultations aux urgences, soigné 3 220 personnes victimes de violences et aidé 1 560 survivantes de violences sexuelles.