Soudan: MSF suspend ses activités à l'Hôpital Turc de Khartoum après plus d'un an de violence répétée

« La situation à l'hôpital turc, situé dans une zone contrôlée par les Forces de soutien rapide (FSR), est devenue intenable. De nombreux incidents violents ont eu lieu à l'intérieur et à l'extérieur de l’établissement au cours des 12 derniers mois, et les vies de notre personnel ont été menacées à plusieurs reprises », explique Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de MSF au Soudan. « Récemment, dans la nuit des 17 et 18 juin, des dizaines de combattants blessés ont été amenés à l'hôpital turc, et notre équipe a été agressivement réveillée alors que des coups de feu de Kalachnikovs étaient tirés dans leurs chambres. Ce type de violence à l’encontre de notre personnel est inacceptable. Les hôpitaux et les structures de santé doivent être protégés et respectés par les parties en conflit, comme étant des sanctuaires pour malades et blessés où le personnel peut fournir des soins en toute sécurité. Leur vie ne peut être mise en danger alors qu'ils essaient de sauver celle des autres. »

Des équipes épuisées et harcelées

Au cours de l'année écoulée, le personnel de MSF travaillant à l'hôpital turc a été fréquemment harcelé, tant à l'intérieur de l'établissement que dans la rue en allant ou en revenant du travail. Beaucoup ont été menacés d'arrestation. En effet, au début du mois de juin, un employé de MSF a été arrêté à l'intérieur de l'hôpital par deux hommes armés, emmené dans un lieu inconnu et sévèrement battu.

« L'équipe est physiquement et mentalement épuisée. En raison du blocus imposé par les autorités soudanaises depuis septembre, interdisant le transport de fournitures médicales et de personnel humanitaire dans les zones contrôlées par les FSR, l'équipe de l'hôpital turc travaille sans interruption depuis 10 mois », explique Claire Nicolet. « Le blocus signifie qu'il n'a pas été possible pour nous d'amener une nouvelle équipe pour les remplacer, et ils ont travaillé sans relâche pour maintenir l'hôpital ouvert sous une pression intense. »

Les interventions chirurgicales et pédiatriques désormais impossibles

L'hôpital turc reste ouvert grâce à la présence du personnel du ministère de la Santé. Cependant, les interventions chirurgicales ne seront plus possibles sans la présence du personnel de MSF qui a été évacué et l'avenir de l'hôpital est incertain. Depuis le début de la guerre, l'hôpital turc a été une pièce maitresse du système de santé, soignant des patients non seulement de Khartoum, mais aussi de Wad Madani dans l'État d'Al Jazirah, où MSF a également été contraint de suspendre ses opérations en mai 2024 en raison d'incidents de sécurité répétés et d'obstructions similaires pour l’acheminement de personnel et de fournitures médicales.

Avant que MSF ne mette en place une salle d'urgence et n'étende la capacité du bloc opératoire à la mi-mai 2023, l’hôpital turc était un établissement spécialisé pour femmes et enfants. Près de 80 % de toutes les interventions chirurgicales effectuées au cours de l'année écoulée étaient des césariennes vitales pour les femmes rencontrant des complications pendant la grossesse et l'accouchement. En raison des incidents répétés, toutes les interventions chirurgicales à l'hôpital sont maintenant arrêtées. MSF fournissait également des soins prénatals, postnatals, de la planification familiale, gérait l'unité de soins intensifs pédiatriques, le centre de traitement thérapeutique pour enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, et l'unité néonatale – la seule à Khartoum. Le soutien de MSF à ces activités est désormais suspendu.

L'hôpital universitaire de Bashair à Khartoum, également soutenu par MSF, a également été confronté à de multiples incursions armées au cours des derniers mois. Entre octobre 2023 et janvier 2024, MSF a été contraint de suspendre les opérations chirurgicales dans l'hôpital. MSF continue de travailler dans cet hôpital malgré ces incidents. La situation en matière de sécurité s'est considérablement détériorée dans l'ensemble du pays et en particulier à Khartoum. ​ ​

Accès primordial pour les travailleurs humanitaires et provisions médicales

MSF exhorte les parties en conflit à protéger les civils et les infrastructures civiles – y compris les hôpitaux et autres structures de santé. Pour les établissements qui peuvent rester opérationnels, il est essentiel que les provisions médicales et les travailleurs humanitaires obtiennent les permis nécessaires pour pouvoir passer les lignes de front. En raison du blocus en cours imposé aux organisations humanitaires par les autorités soudanaises, de nombreux établissements peinent à rester ouverts, mettant en danger la vie et la santé de millions de personnes à Khartoum et dans d'autres régions du pays.

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Activité de MSF à l'Hôpital Turc - janvier 2024 à juin 2024

• Nous avons reçu plus de 10 600 patients aux urgences de l'hôpital turc, et nous recevions en moyenne 55 à 60 patients par jour.
• Dans le service des consultations externes, nous avons traité plus de 11 360 adultes et plus de 7 440 enfants.
• Dans le service d'hospitalisation, nous avons admis 243 bébés dans le service néonatal, 1 670 enfants dans le service pédiatrique et 1 340 adultes.
• Nous avons mis au monde 1 338 bébés (par accouchement normal ou par césarienne). 77 % des interventions chirurgicales ont été des césariennes.
• Nous avons effectué 6 352 consultations prénatales.